Ecrire sur le travail – Hélène Pradas-Billaud, juré de la 14ème édition du P.R.E.T.

Ecrire sur le travail – Hélène Pradas-Billaud, juré de la 14ème édition du P.R.E.T.

En quoi l’illustration du monde du travail dans la littérature est essentielle ?

Ecrire sur le travail et l’emploi, c’est ouvrir un espace. Un espace pour raconter cette part de notre engagement au monde qui nous accomplit, parfois nous limite, que l’on cherche ou que l’on rejette.  

Ecrire sur le travail est toujours se dresser, se redresser, dans ce geste de liberté qu’est l’écriture pour dire le lien au travail qui peut épanouir ou asservir, le rôle professionnel que l’on peut aimer mais dans lequel on peut s’enfermer.

Raconter le travail et l’emploi révèle les contrastes qui portent ou malmènent les êtres, les collectifs, et témoigne de notre humanité. Les mots donnent histoire et mémoire à la vie travaillée, ce qui s’y joue, se tait ou s’impose. Les espaces, les acteurs et leurs codes, les respects, les violences, les combats, les pertes, les conquêtes, les accomplissements.

Les mots permettent une transmission au-delà de ce qui segmente et délimite la vie professionnelle. Ils font naître les histoires, celles des êtres, leurs réalités, leurs rêves, leurs splendeurs et misères, leurs grandeurs et violences, ce qu’ils font pour les autres ou, de façon irréductible et parfois uniquement, pour eux-mêmes. Des mots surgissent les lieux, les terres, les gestes du travail, les métiers qui sont autant de mondes, leur origine et leur transformation, leur naissance et leur disparition.

Des fruits du travail, les livres racontent les grandes épopées humaines, celles des sciences et techniques, de l’agriculture, l’architecture, des services, de l’art et la création, l’extraordinaire ingéniosité de l’homme à explorer le monde et les relations. Ils disent aussi ce sens qui n’est pas, ce fruit qui ne viendra pas, le travail qui abîme l’homme, son environnement, l’essence même d’un emploi.  

Ecrire sur le travail peut être une résistance, un sursaut. La mise à distance d’une réalité qui fait corps avec nos jours. Une verticalité dans la platitude ou l’effacement de ce que parfois on ne choisit pas.

C’est une façon de dire non. A ce qui désincarne, réduit l’être à un rôle.  

C’est aussi une façon de dire oui. A la dignité que donne le travail, le sens, l’utilité, la joie d’y être à sa place, soi-même et avec les autres.

Les romans sur le travail et l’emploi donnent vie à ce qui constitue une partie de notre vie.

Ils disent aussi que perdre sa vie pour son travail, certains l’ont fait, témoignant d’une dimension radicale du travail en prise avec la mort, le vivant. Le vivant, les livres le créent, le débusquent, le partagent inlassablement. Raconter ce long travail de vivre est l’œuvre des romans.

Hélène Pradas-Billaud