/ Etude : l'apport de l'expertise au travail syndical et au dialogue social

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Etude : l'apport de l'expertise au travail syndical et au dialogue social

12 décembre 2013

Les experts auprès des CE et CHSCT « n'auraient-ils pas trop confisqué la parole sur le travail ? » « Quelle place, au moins symbolique, occupe un tel 'tiers préventeur' dans l'entreprise ? » « Puisque la loi place cet expert aux côtés des élus, quel est son apport réel au travail syndical et à celui des représentants du personnel ? » En quoi l'expertise permet-elle de retisser le lien entre les représentants du personnel et leurs mandants ? Pour répondre, entre autres, à ces questions, nous avons mené avec le sociologue Henri Vacquin une étude, consacrée à « l'apport de l'expertise au travail syndical et au dialogue social ». Ainsi, « la méthode utilisée pour conduire l'expertise puis le rapport qu'il remet aux acteurs internes agit en quelque sorte comme un catalyseur de l'état du dialogue social dans l'entreprise ».

Pour télécharger l'étude Etude Expertise

 

Qu'apporte l'expertise CE et  CHSCT au dialogue social ? Trois questions à Jean-Claude Delgènes, DG de Technologia (Dépêche n°191244, par Lucie Prusak)
L'expertise CE et   CHSCT peut permettre au dialogue social d'évoluer, à condition que l'expert   « se donne les moyens d'assurer l'écoute de chacune des parties et de   favoriser l'appropriation des conclusions par tous », estime Jean-Claude Delgènes, directeur général de Technologia. Le cabinet d'experts   en risques liés au travail a mené avec le sociologue Henri Vacquin une étude  consacrée à « l'apport de l'expertise au travail syndical et au dialogue   social » (AEF n°191167). Il revient pour AEF sur les conclusions de cette étude.
AEF : Comment   l'expert peut-il favoriser la recherche de solutions consensuelles ?Jean-Claude Delgènes : Parfois, il faut bien le souligner, même   en cas de prévention, le consensus n'est guère possible. Parfois, à   l'inverse, il peut être à portée de main. C'est plus aisé de prévenir les   risques avec un cadre plus apaisé aussi. Nous prônons la concertation en amont   sur le cahier des charges, pour que les acteurs se mettent d'accord sur le   chemin à suivre, l'objectif recherché, et les échanges en cours de mission.   Les conclusions sont certes très importantes, mais le chemin parcouru aussi,   car il permet d'échanger, d'impliquer les acteurs… Se mettre d'accord dès le   départ sur le cahier des charges permet à l'expert de se situer comme tiers   préventeur, dans un rôle d'équidistance et de neutralité, pour entendre   chacune des parties et être en mesure de peser sur le résultat final. Il faut   entendre pour impliquer, co-construire pour prévenir ensemble les risques   professionnels.L'émergence d'un consensus dépend aussi du contexte dans lequel s'inscrit   l'expertise. Si l'on exclut l'expertise CE, qui est bien balisée, l'expertise   CHSCT peut intervenir dans des cas bien distincts. La démarche d'expertise   « post-traumatique », en cas de risque grave avéré, est bien   acceptée par tous les acteurs, y compris la médecine du travail et la   direction. Quand il s'agit d'une expertise pour projet important, la   situation diffère selon que sont prévues ou non des suppressions d'emplois.   S'il s'agit d'un projet important sans suppression de postes (déménagement,   nouveau système informatique, etc.), l'expert peut favoriser la recherche de   solutions. En revanche, en cas de plan social, il y des tensions très fortes,   car les organisations syndicales essaient de limiter la casse, et peuvent   instrumentaliser certains outils. De plus, on assiste à un choc des   temporalités entre la direction, qui réfléchit au projet depuis des mois, et   le management intermédiaire, les organisations syndicales et les salariés, à   qui on demande de le mettre en oeuvre très vite. Dans ce cadre, il est très   compliqué de développer des pratiques d'expertise consensuelles.

AEF : Quels   effets l'expertise produit-elle sur le dialogue social dans   l'entreprise ?

Jean-Claude  Delgènes : L'expert ne produit pas le dialogue social   qu'il trouve lorsqu'il intervient dans une entreprise. En revanche,   l'expertise peut permettre au dialogue social d'évoluer. Mais cela n'est   possible que si l'expert se donne les moyens d'assurer l'écoute de chacune   des parties et de favoriser l'appropriation des conclusions par tous, les   représentants des salaries mais aussi y compris le haut management en   utilisant un langage compréhensible et en recherchant des applications   concrètes. L'expertise est l'occasion de mettre en débat la problématique du   travail dans toutes ses composantes.

AEF : L'étude   insiste sur l'importance de la restitution des conclusions de l'expertise aux   salariés. Qu'en pensez-vous ?

Jean-Claude Delgènes : Les pratiques sont très variables d'une   entreprise à l'autre. Nous avons récemment mené une expertise dans un grand   groupe où ont été organisées des restitutions orales en AG. Le contact direct   entre salariés, DRH, médecin du travail et expert permet une mise en débat   des problèmes, un éclaircissement de nombreux points. C'est là un véritable   apport de l'expertise au travail syndical : la restitution auprès des   salariés, selon les modalités les plus appropriées, est l'occasion de mettre   en débat le travail. Les partenaires sociaux cherchent aujourd'hui à   permettre aux salariés de s'exprimer sur leur travail ; c'est l'objet de   l'ANI sur la qualité de vie au travail. Ils ont avec l'expertise CHSCT un   cadre déjà institutionnalisé à partir duquel favoriser l'expression sur le   travail. Encore faut-il se l'approprier et négocier dès l'amont les   possibilités de restitution.

Cela dit, la restitution est une étape très importante, mais pas suffisante.   Elle permet de donner une représentation commune à tout le monde, et peut   susciter des déblocages. Mais dans les situations que j'appelle enkystées,   c'est-à-dire quand il y a une profonde dégradation des conditions de travail,   l'expertise ne peut pas régler tous les problèmes. Il faut un plan d'action,   une phase d'implémentation des mesures, puis une évaluation des effets. C'est   par exemple la méthode qui a été choisie chez Renault ou chez France Télécom.   Au-delà, nous pensons qu'il faudrait capitaliser sur les apports de   l'expertise, en échangeant entre acteurs, sur le modèle des « entretiens   de Bichat ».

 

Retrouvez  les 3 questions  posées à Jean-Claude Delgènes : Qu'apporte l'expertise CE et CHSCT au dialogue social ? sur www.aef.info

 

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