Paris, le 22 janvier 2014
Depuis une dizaine d’années, le mot de burn out s’est imposé dans le langage courant pour décrire l’épuisement professionnel des salariés. Tant que celui-ci touchait surtout les métiers à vocation, enseignants ou médecins, le sur-engagement paraissait presque aller de soi. Quand on aime, on ne compte pas… ses heures ou ses nuits ! Pourtant, aujourd’hui tout dérape. A leur tour, des cadres, des employés ou des agriculteurs sont frappés par une lassitude nommée travail.
Quand à une charge excessive s’ajoutent une activité frénétique et l’épuisement émotionnel qui va avec, la pathologie psychique n’est pas loin. Une enquête récente du cabinet Technologia estime que plus de 3 millions d’actifs sont aujourd’hui en risque élevé de burn out en France.
Cependant, le flou de l’expression ne permet ni de décrire ces affections ni de promouvoir leur reconnaissance en tant que maladies professionnelles. Les scientifiques et les médecins ont besoin d’autres données pour prendre en charge le phénomène.
En effet, l’absence de tableaux de maladies professionnelles spécifiques rend ces affections psychiques très difficilement reconnues par la sécurité sociale. Il faut pour cela que la maladie présente une gravité justifiant une incapacité permanente égale ou supérieure à 25% et qu’un lien « direct et essentiel » avec l’activité professionnelle soit mis en évidence par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Or, les critères réglementaires de recevabilité des demandes restent difficiles à réunir et le traitement par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles est très hétérogène. Résultat, seuls quelques dizaines de cas de pathologies psychiques sont ainsi reconnus chaque année. Ce qui est loin de la réalité du burn out en France.
Pourtant, les pathologies liées au sur-engagement ou à l’épuisement professionnels, regroupées dans ce qu’on appelle commodément le burn out, sont cliniquement identifiées et concernent des milliers de salariés. D’autres pays européens les reconnaissent comme maladie du travail. Un groupe de travail sur les pathologies professionnelles mandaté par le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) permet en effet de situer le burn out à la frontière de trois pathologies précises : la dépression d’épuisement professionnel, l’état de stress répétés conduisant à une situation traumatique et l’anxiété généralisée.
Par conséquent, les signataires de cet appel, professionnels de la médecine du travail, de la santé mentale, de la prévention des risques professionnels ou des ressources humaines et de la qualité de vie au travail, demandent que la sécurité sociale reconnaisse rapidement trois nouveaux tableaux de maladies professionnelles liées à l’épuisement : la dépression d’épuisement, l’état de stress répété conduisant à une situation traumatique et le trouble d’anxiété généralisée.
Au-delà de la réparation due aux salariés abîmés par des organisations du travail délétères, l’objectif de l’appel est aussi d’engager avec les entreprises et les partenaires sociaux un dialogue de prévention. Bordé en amont par les réflexions en cours sur l’amélioration de la qualité de vie au travail, ce dialogue doit l’être en aval par l’existence de tableaux de maladies professionnelles d’ordre psychique qui seuls permettront de rappeler aux entreprises leurs obligations en matière de santé et de sécurité.
Cet appel s’il est entendu permettra de surmonter le retard français en matière de prévention du risque psychique.
Burn out - Etude clinique et organisationnelle (janvier 2014)