(Covid-19) Télétravail : risques psychosociaux et comportements addictifs, l’obligation de sécurité de l’employeur continue

Travailler en confinement chez soi, seul(e) ou entouré(e) de sa famille, dans de telles circonstances, une situation inédite et exceptionnelle mais pas sans difficultés ni sans conséquences.

En effet, selon une étude menée auprès de 2.000 salariés publiée le 20 avril 2020 par le Cabinet Empreinte Humaine, 44 % des salariés français sondés se sentent en situation de "détresse psychologique", 25% présentent un risque de dépression nécessitant un traitement, 25% déclarent que leur motivation professionnelle s’est dégradée.

Effectivement, le contexte actuel dans lequel est pratiqué le télétravail peut être source de :

Dans le contexte actuel, des addictions peuvent se développer ou s’accentuer : tabac, alcool, (les « apéros-visio confinement » sont devenus quotidiens pour certains), drogues, sucres, jeux, sites de paris en ligne, achats compulsifs en ligne…

Les risques potentiels sont donc nombreux et varient en fonction de la personnalité, de la vie de chaque salarié, dont l’employeur n’a pas toujours connaissance.

Pour autant, même si le salarié n’est plus dans les locaux en raison du confinement, mais est en télétravail, l’employeur doit continuer à assurer sa santé et sa sécurité.

Oui, mais « comment » ?

Règlement intérieur et accord d’entreprise sur le télétravail : informer sur les règles applicables en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise (par mail), le règlement intérieur de l’entreprise s'applique en télétravail.

Transmettre s'il existe l'accord d’entreprise encadrant le télétravail qui restent applicables pendant la période du confinement.

Respecter le droit à la déconnexion : les horaires habituels continuent de s’appliquer. Même s’il peut être compliqué d’être efficace à 100% en cette période pour des raisons diverses (enfants, devoirs…), l’employeur ne peut pas demander aux salariés de travailler plus, ou le soir par exemple. Adapter les objectifs et le suivi de l’activité des télétravailleurs à leurs conditions de travail particulières.

Garder un lien par téléphone et par visioconférence : rester en contact avec les salariés, le manager/responsable doit trouver le bon équilibre pour poursuivre sa mission en l'adaptant (fixer un programme de travail raisonnable, créer des rituels de travail avec son équipe, être disponible, à l’écoute, organiser un cadre).

Informer et former sur les risques du confinement pour la santé/ les addictions et les signaux d'alerte : en lien avec la médecine du travail, le CSE, la CSSCT.

Détecter et prévenir :  déterminer qui peut détecter et prévenir tout changement de comportement (manager, collègues).

Ce qu'il faut repérer comme signaux d'alerte : changement de personnalité et d'attitude (excitation, élocution, sursollicitation de son entourage professionnel, travailler en dehors de ses horaires habituels..., ou à l’inverse, se mettre en retrait, être moins jovial, être refermé sur soi). Prévenir par les appels en visio : repérer les signes, garder le lien social au quotidien, encourager, conserver un rythme de travail identique.

Accompagner les managers/responsables : dans leur mission de soutien et de coordination des équipes qui leur demande une vigilance et une disponibilité accrues dans leur rôle de soutien et d’accompagnement. Ils seraient environ 20% actuellement à être en détresse psychologique.

Mettre en place une cellule d’accompagnement : avec un numéro d’écoute psychologique permettant aux salariés les plus en difficultés face à ce confinement de pouvoir se confier de façon confidentielle.

Le gouvernement a mis en place une plateforme d’écoute destinée au grand public, numéro vert : 0800 130 000.

D’autres plateformes tournées vers les salariés sont accessibles :

Terra Psy : disponible de 9h00 à 12h30 et de 13h30 à 17h00 du lundi au vendredi. Numéro : 0 805 383 922

Ecoute et Psy Solidaire : des professionnels bénévoles sont à l’écoute. Tous les détails sont visibles sur le site internet : https://ecouteetpsysolidaires.fr/blog-2/

Cogito'Z : hotline psychologique gratuite dédiée au Covid-19 et au confinement. numéro : 0 805 822 810

Le règlement intérieur : avec les dispositions qui limitent la consommation d’alcool sur le lieu de travail et qui interdit formellement la détention et la consommation de drogues.

Démarche de prévention de l’employeur en cette période délicate :

Il est donc important d’être attentif et à l’écoute afin de mieux déceler ce genre de problème. L’employeur pourra également contacter le médecin du travail pour organiser une éventuelle visite.

Il est important de rappeler que des services spécialisés sont à l’écoute :

Alcool info service : 0 980 980 930, tous les jours de 8h à 2h - https://www.alcool-info-service.fr

Tabac info service : 3989, du lundi au samedi de 10h à 18h - https://www.tabac-info-service.fr/

Drogues info service : 0 800 23 13 13, tous les jours de 8h à 2h - https://www.drogues-info-service.fr/

Ecoute cannabis : 0 980 980 940, tous les jours de 8h à 2h - https://www.drogues-info-service.fr/

Joueurs info service : 09 74 75 13 13, tous les jours de 8h à 2h - https://www.joueurs-info-service.fr/

Ainsi, en cette période compliquée, il est plus que primordial de maintenir un cadre, de pérenniser le lien avec les salariés avec des interactions régulières, d’encourager, tout en rappelant régulièrement le cadre légal.

Article rédigé par Françoise Maréchal Thieullent, avocate à la Cour et présidente de Technologia Juris et Stéphanie Demellier, juriste chez Technologia Juris.

Serez-vous couverts si un accident du travail se produit pendant le télétravail ?

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée par l’employeur comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection de ses salariés (art L 1222-11 du code du travail).

En cette période de crise sanitaire liée au Covid 19,  des millions de salariés sont actuellement confinés et, pour certains,  en télétravail.

Loin de leur lieu de travail habituel, amenés à travailler chez eux, ces salariés peuvent à juste titre se demander si un accident survenant pendant cette période de télétravail peut avoir un caractère professionnel.

Oui, le télétravailleur bénéficie, comme le salarié travaillant dans les locaux de l'entreprise, de la législation relative aux accidents du travail et des maladies professionnelles.

C'est ce que confirme l'article L1222-9 du code du travail qui précise clairement que « l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle est présumé être un accident du travail au sens des dispositions de l'article L411-1 du code de sécurité sociale ».

L’article L411-1 du code de la sécurité sociale indique « qu’est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »

Un accident dont est victime le salarié durant sa période de travail à son domicile est donc présumé être un accident du travail. Toutefois, lorsqu'un accident survient au domicile du télétravailleur, la question de la preuve du caractère professionnel se pose en raison de la difficulté à distinguer si le salarié était en situation de télétravail ou pas. Dans ces circonstances, des réserves sont souvent émises par l’employeur.

Ainsi, que doit faire un télétravailleur en cas d’accident à son domicile ?

Le télétravailleur doit informer son employeur de son accident par tout moyen conférant date certaine dans le délai de 24 heures. S’il ne le fait pas, il ne peut pas bénéficier du dispositif d’accompagnement lié à l’accident de travail.  L’employeur doit ensuite déclarer l’accident du travail dans les 48 heures auprès de la CPAM dont relève le salarié.

Pour que l'accident intervenu au domicile du salarié en télétravail soit qualifié d'accident du travail, il faut que l'accident se soit produit à l'occasion du travail effectué pour l'employeur ou par le fait du travail. Mais encore faut-il que la période d'exercice de l'activité professionnelle soit bien définie ainsi que le lieu du télétravail.

A défaut, le ministère a rappelé que c'est au salarié d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'accident et le travail qu'il s'est vu confié. (Lettre-circ. DSS-SDFATH/B4 n° 98-161 R, 7 juillet 1998: BJ Uncanss 41-98)

Si l'accident survient pendant les plages horaires fixées par l'accord ou le contrat de travail ou pendant que le salarié est connecté au réseau informatique de l'entreprise, le lien de l'accident avec l'activité professionnelle sera plus facile à démontrer.

En cette période de confinement où le télétravail a pu avoir été mis en place  à la suite de la demande du gouvernement sans accord d’entreprise ou charte, et sans avenant, il est donc particulièrement important que le télétravailleur soit informé qu’il devra justifier du contexte de travail dans lequel son accident est survenu pour qu’il soit pris en charge au titre professionnel.

Article rédigé par Stéphanie Demellier, juriste chez Technologia Juris.

Le télétravail : anticipation et discussion, clés de la réussite

Le télétravail, c’est quoi ?
Le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux (au domicile, dans un espace dédié…), de façon régulière et volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication et dans le cadre d’un contrat de travail
ou d’un avenant à celui-ci (Loi 2012 – Article L.1222-9 du Code du travail).

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Que dit la loi ?
La loi du 22 mars 2012 et la jurisprudence de la Cour de cassation, définissent les contours juridiques du télétravail.
Les simples accords verbaux demeurent cependant encore fréquents. Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions
de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail. Et, à défaut d’accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail.
Principe du double volontariat
Le télétravail est un engagement volontaire et réciproque de l’employeur et du salarié. Il ne peut être imposé à aucune des deux parties.
Réversibilité
En cas de rupture du contrat, le salarié doit retrouver un poste avec des conditions équivalentes dans l’entreprise. De plus, le salarié, employé par une entreprise relevant de l’Ani sur le télétravail du 19 juillet 2005, bénéficie d’une période d’adaptation en télétravail. Pendant cette période de test, lui ou son employeur peut mettre fin au télétravail moyennant un délai de prévenance
Respect des droits des salariés
Le télétravailleur doit bénéficier des mêmes droits que les autres salariés (formation, promotion, rémunération).
Protection de la vie privée
Les conditions de joignabilité (horaires, temps de réactivité…) doivent être définies dans l’avenant au contrat de travail).