Consultation sur le déconfinement : la responsabilité du CSE peut-elle être engagée ?

A l’approche de la reprise d’activité, tous les employeurs doivent organiser leur plan de déconfinement en collaboration avec les élus du CSE, conformement notamment au Protocole national de déconfinement publié le 3 mai 2020 par le Ministère du travail (lien). Celui-ci qui prévoit les mesures devant être mises en place dans toutes les entreprises et les associations afin de limiter au maximum le risque d’exposition au virus et sa propagation. Ils peuvent aussi s'inspirer de la FAQ de l'INRS en la matière.

Ces documents, basés sur des recommandations, n’ont pas de valeur juridique au sens strict du terme. Rappelons que l’organisation de la reprise du travail relève du seul pouvoir de direction de l’employeur (art. L4121-1 et L4121-2 du code du travail) qui doit prendre toutes mesures utiles pour protéger la santé et la sécurité de ses salariés.

Qu'en est-il des élus du personnel du CSE qui joue un rôle majeur en matière de protection de la santé et la sécurité des salariés ?

Le CSE (ou la CSSCT) doit être consulté pour avis sur les modalités de réouverture de l’entreprise lors de l’information-consultation organisée par l’employeur dans des délais qui ont été réduits par décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 (voir notre actualité du 4 mai 2020).

La responsabilité du CSE pourrait-elle être engagée si le CSE lui-même devait être amené à valider, sans solliciter une expertise, le plan de déconfinement proposé par l’employeur prévoyant des mesures de protection insuffisantes ?

En l’état du droit, la réponse est négative. En effet, l’obligation de prévention de santé et sécurité des salariés relève exclusivement sur la responsabilité de l’employeur (art. L4121-1 du code du travail).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE a effectivement des attributions en matière de santé et sécurité (art. L2312-6 du code du travail) mais il n’est pas consulté pour avis par l’employeur. Si les membres de la délégation du personnel du CSE constatent que l’employeur n’applique pas les règles du plan de déconfinement fixé par le Gouvernement, il pourra saisir l’Inspection du travail qui sera chargée d’assurer le contrôle. La responsabilité du CSE ne serait donc pas remise en cause suite aux actions de déconfinement de l’employeur.

Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE a seulement des attributions consultatives. Il est consulté par l’employeur et peut rendre un avis, favorable ou non. Il peut également procéder à des recommandations et des analyses notamment au regard du document unique d’évaluation des risques professionnelles (DUER) qui doit être mis à jour au regard des risques liés au Covid-19.

Mais l’avis du CSE, quel qu’il soit, n’est rendu qu’à titre consultatif. L’employeur est ensuite libre d’en tenir compte ou pas, pour prendre sa décision, ce qui peut créer d’ailleurs fréquemment des tensions au niveau du dialogue social de l’entreprise.

Si le CSE veut renforcer le poids de son avis et s’assurer que les mesures envisagées par l’employeur pour le plan de déconfinement sont fiables, il peut avoir recours à un expert habilité (art. L2315-94 du code du travail). Il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation.

Si l’employeur venait à négocier un protocole de déconfinement avec les organisations syndicales représentatives de l’entreprise, le CSE n’a pas la capacité juridique de « négocier » un quelconque accord puisque cette négociation est du ressort exclusif des organisations syndicales (entreprises de 50 salariés et plus). La responsabilité du CSE ne saurait donc être mis en cause si une telle négociation avait lieu.

Ainsi, si les salariés considèrent que les mesures prises par l’employeur pour limiter l’exposition au virus et la contamination ne sont pas suffisantes, la responsabilité du CSE ne pourra pas être engagée. Ils devront mettre en cause celle de l’employeur, soit de façon individuelle, soit par voie collective.

Cela ne signifie pas les élus du CSE ou le CSE ne peuvent jamais voir leur responsabilité engagée (pénale, civile) dans certains cas particuliers qui feront l’objet d’une prochaine notification.

Pour autant, dans le cadre de la mise en place des mesures de prévention en matière de santé et sécurité en vue du déconfinement, il est recommandé au CSE d’avoir recours à une expertise dans le contexte actuel de l'épidémie et du plan de déconfinement envisagé puisqu’il modifie les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés s’il rend un avis favorable qui sera annexé au procès-verbal.

Dans tous les cas, à l’heure où nous écrivons, le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire a été adopté le 9 mai 2020 et précise notamment que pour statuer sur la responsabilité pénale des personnes qui n’auraient pas respecté les mesures sanitaires imposées, il faudra tenir compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur.

Nouvelles règles de contestation d’expertise CHSCT

La Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, tire les conséquences de la censure prononcée par le Conseil constitutionnel sur le paiement par l’employeur d’une expertise CHSCT annulée par le juge.
Fin novembre, le Conseil constitutionnel avait considéré que « la combinaison de l’absence d’effet suspensif du recours de l’employeur et de l’absence de délai d’examen de ce recours conduit, dans ces conditions, à ce que l’employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l’exercice d’une voie de recours ».
Attention, ces dispositions nouvelles ne concernent pas la désignation d'un expert par le CHSCT dans le cadre d'une consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs. Ces règles spécifiques prévues à l'article L. 4614-13 du code du travail ne sont pas modifiées par le projet de loi travail.

Contestation de l’expertise CHSCT

Article L. 4614-13 du Code du travail

« Lorsque l'expert a été désigné sur le fondement de l'article L. 4614-12-1, toute contestation relative à l'expertise avant transmission de la demande de validation ou d'homologation prévue à l'article L. 1233-57-4 est adressée à l'autorité administrative, qui se prononce dans un délai de cinq jours. Cette décision peut être contestée dans les conditions prévues à l'article L. 1235-7-1.

Dans les autres cas, l'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, l'étendue ou le délai de l'expertise saisit le juge judiciaire dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1. Le juge statue, en la forme des référés, en premier et dernier ressort, dans les dix jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l'exécution de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination mentionnée à l'article L. 4616-1, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés en application de l'article L. 4612-8, jusqu'à la notification du jugement. Lorsque le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou l'instance de coordination mentionnée au même article L. 4616-1 ainsi que le comité d'entreprise sont consultés sur un même projet, cette saisine suspend également, jusqu'à la notification du jugement, les délais dans lesquels le comité d'entreprise est consulté en application de l'article L. 2323-3.

Les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur. Toutefois, en cas d'annulation définitive par le juge de la décision du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de l'instance de coordination, les sommes perçues par l'expert sont remboursées par ce dernier à l'employeur. Le comité d'entreprise peut, à tout moment, décider de les prendre en charge dans les conditions prévues à l'article L. 2325-41-1.

L'employeur ne peut s'opposer à l'entrée de l'expert dans l'établissement. Il lui fournit les informations nécessaires à l'exercice de sa mission.

L'expert est tenu aux obligations de secret et de discrétion définies à l'article L. 4614-9.

Sauf en cas de contestation d’une expertise en cas de consultation sur un projet de restructuration et de compression des effectifs, les règles relatives à la contestation des expertises sont les suivantes :

L’employeur peut également contester « le coût final de l’expertise devant le juge judiciaire, dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle » il « a été informé de ce coût ».

Remboursement des frais de l’expertise

Si le principe est maintenu : « les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur ». Dorénavant, « en cas d’annulation définitive par le juge de la décision du CHSCT ou de l’instance de coordination » de recourir à un expert :