Attention lors de la désignation d’un délégué syndical suppléant !

Conformément à l’article L2143-3 du code du travail, une organisation syndicale représentative qui désigne un délégué syndical doit le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au dernier tour des dernières élections du CSE.

En dessous du seuil de 10%, l’organisation syndicale n’est pas considérée « représentative » dans l’entreprise et ses candidats non plus. Ils ne peuvent donc pas être désignés à la fonction de délégué syndical titulaire ni suppléant.

Dans une affaire, la CGT avait désigné deux salariées en qualité de déléguées syndicales suppléantes (que la loi n’impose pas mais n'interdit pas). Par ailleurs, une convention collective de branche ou un accord d’entreprise peut tout à fait prévoir la possibilité de désigner des délégués syndicaux suppléants au sein de l’entreprise. Et tel était justement le cas de l’article 5 de la convention collective nationale du Crédit agricole dont relevait l'employeur et sur laquelle la CGT s'appuyait pour désigner deux déléguées syndicales suppléantes. Cependant, la caisse régionale du Crédit Agricole d'Ile-de-France a saisi le tribunal d'instance d'une requête en annulation de ces désignations, au motif que les représentantes désignées n'avaient pas obtenu 10% des suffrages exprimés lors des dernières élections.

Le tribunal d’instance a fait droit à cette demande et a annulé ces désignations, retenant que les délégués syndicales suppléantes devaient respecter la condition d’audience électorale citée précédemment.

Devant la Cour de cassation, le syndicat a fait valoir que la fonction de délégué syndical suppléant prévue par la convention collective consistait en une fonction d’assistance du délégué syndical titulaire. Par conséquent, la règle d’audience électorale n’était pas censée s’appliquer à cette fonction. Par ailleurs, selon le syndicat, le délégué syndical suppléant n’engageait pas la collectivité des salariés comme pouvait le faire le titulaire. Peu importait que le tribunal d’instance ait relevé que des délégués syndicaux suppléants avaient déjà signé des accords d’entreprise.

Pour autant, la Cour de cassation, dans son arrêt du 25 mars 2020 (N°19-11581), a rejeté le pourvoi du syndicat en rappelant qu'une organisation syndicale représentative qui désigne un délégué syndical doit le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10% des suffrages exprimés.

La Cour de cassation a rappelé qu'il s'agit d’une disposition d’ordre public tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l’entreprise et à conduire les négociations pour leur compte. Cette règle s’applique nécessairement également au délégué syndical suppléant conventionnel, dont le mandat est de même nature que celui du délégué syndical.

Cette règle étant d'ordre public s'impose à tous et nul ne peut y déroger par des conventions particulières (accord de branche ou CCN). C'est pourquoi, malgré le silence de la convention collective sur cette question, le tribunal a annulé à bon droit la désignation des délégués syndicaux suppléants par le syndicat CGT qui ne respectaient pas la condition d'audience électorale susvisée.

On ne peut déroger à un texte d'ordre public social absolu par des conventions particulières, ce qui signifie qu'on ne peut décider de ne pas le respecter quand bien même toutes les parties en seraient d'accord. Si tel était le cas, et qu'un litige survient dans l'exécution de cette convention, le juge retiendra que le texte d'ordre public social absolu doit s'appliquer. A l'heure de l'avènement des accords d'entreprise, il est d'autant plus important de connaître ces textes et leur articulation compte tenu des nombreuses modifications subies par le code du travail qui ont impacté la hiérarchie des normes. Il est néanmoins essentiel de bien maitriser la hiérarchie des normes et ses exceptions pour bien négocier.

Elections du CSE et crise sanitaire : nouvelle ordonnance et nouvelle prescription de... date !

Initialement, par ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence relatives aux instances représentatives du personnel (articles 1 et 2), il était prévu que les élections professionnelles soient suspendues à compter du 12 mars 2020 jusqu’à 3 mois après la date de la fin de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 25 août 2020.

Cette date de fin de l'état d’urgence ayant été prorogée jusqu’au 10 octobre 2020, on aurait pu penser que tel était aussi le cas de la suspension des élections professionnelles.

Or, l'article 9 de l'ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 apporte une modification importante puisqu’elle neutralise l'impact de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire sur la suspension ou le report des élections professionnelles dans les entreprises. Cette ordonnance ne fait donc plus référence à la fin de l’état d’urgence dans la mesure où la suspension des élections professionnelles a désormais son propre agenda.

En effet, l’employeur doit engager les élections professionnelles au plus tard le 31 août 2020 qui est la nouvelle date limite fixée à cet effet.

Si l’entreprise a engagé le processus électoral (art. L2314-4 du code du travail) avant le 3 avril 2020, il est suspendu du 12 mars 2020 jusqu'au 31 août 2020 inclus et devra reprendre le 1er septembre 2020.

Si l’entreprise devait engager le processus électoral entre le 3 avril 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire, ou si elle n’avait pas engagé le processus électoral avant le 3 avril, alors qu’elle en avait l’obligation, les salariés devront être informés de l’organisation des élections professionnelles à une date déterminée librement par l’employeur entre le 24 mai et le 31 août 2020 inclus.

En tout état de cause, la tolérance à l'égard des entreprises qui n'auront pas respecté ces nouveaux délais durant la crise sanitaire disparaîtra rapidement. Ces dernières risquent notamment des poursuites pour délit d'entrave au fonctionnement des Instances représentatives du personnel.

Rappelons que le rôle du Comité Social et Economique (CSE) est primordial en cette période de fin de crise sanitaire afin de participer à la mise en place des mesures nécessaires en matière de prévention des risques, de prévention de la santé et de la sécurité des salariés, d'organisation du travail et de sauvegarde des emplois.