Un nouveau statut et une cible dans le dos
Le 30 juillet dernier, la France a adopté les nouvelles règles européennes concernant le travail détaché. Les États membres avaient deux ans pour transposer cette directive européenne destinée à lutter plus efficacement contre le « dumping social ». Mais le gouvernement compte réduire le nombre de travailleurs détachés d'ici à la fin de l'année.
Avec la crise, et l'augmentation du chômage, les travailleurs détachés sont dans le collimateur du gouvernement. En contrepartie du soutien financier de l’État, le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a réclamé, lors des Universités d'été du Medef, que le BTP « limite au strict minimum le recours aux travailleurs détachés. Faites travailler les ouvriers français ! ». La ministre du Travail Élisabeth Borne a également annoncé l'ouverture d'une concertation avec les partenaires sociaux. Elle veut élaborer d'ici à fin 2020 des plans de réduction du recours au travail détaché dans les secteurs les plus concernés (BTP, agriculture...).
A travail égal, salaire égal
Une annonce aux antipodes de la position de la CGT. « Le sujet du travail détaché est extrêmement délicat. Il peut soulever la question de la préférence nationale avec laquelle nous ne sommes pas d'accord. La question n'est pas d'interdire ce statut mais de mieux l'encadrer et de ne pas opposer des salariés, qui ont les mêmes qualifications, les uns aux autres », insiste Angeline Barth, secrétaire confédérale.
Pour Jean-Claude Delgènes, fondateur du cabinet Technologia spécialisé dans les risques au travail, « le fait d'avoir une mobilité intra-européenne est le signe de la constitution d'un marché unique de l'intelligence. L'Europe ne fonctionnera qu'ainsi, avec une culture commune. » Le statut est né d'une directive de 1996 permettant à des salariés de pays membres de travailler dans un autre pays de l'Union européenne (UE) à titre temporaire. Depuis l'ouverture de l'UE en 2004 à des pays de l'Est aux salaires plus bas, cette directive a été régulièrement accusée de favoriser le « dumping social », alors qu'elle était pourtant censée lui donner un cadre. Les salaires, les conditions de travail des salariés en détachement n'étaient pas alignées sur ceux des salariés locaux. Deux ans de négociations ont abouti à une nouvelle directive, plus protectrice, en 2018 que les États membres avaient deux ans pour adopter. C'est chose faite pour la France depuis le 30 juillet dernier, où un travailleur détaché par une entreprise étrangère doit désormais bénéficier de la même rémunération qu'un salarié employé par une entreprise établie localement réalisant les mêmes tâches. Jusque-là, seul le salaire minimal du pays d'accueil était garanti. Autres avancées : les entreprises doivent payer les frais de déplacement, d'hébergement et de séjour au lieu de les déduire du salaire. La durée du travail et la durée minimale des pauses sont harmonisées avec celles dont bénéficient les salariés locaux.
Article du Magazine Social CSE, novembre et décembre 2020, propos recueillis par Anne Thiriet.
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