/ EQUILIBRE DES TEMPS : LES REGLES D'OR DU TELETRAVAIL

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EQUILIBRE DES TEMPS : LES REGLES D'OR DU TELETRAVAIL

04 décembre 2012

« Le travail déborde » tel était le cri d’alarme poussé par Technologia à l’issue de son enquête sur « les effets du travail sur la vie privée », publiée en mars 2012. En effet, près de la moitié des cadres déclarent désormais travailler chez eux le soir. Il s’agit avant tout d’un travail anarchique facilité par les Technologies d’Information et de Communication (TIC). Ces moments de travail hors de l’entreprise ne sont encadrés ni par un accord ni par un avenant entre l’employeur et le salarié. Il s’agit donc de « télétravail gris ».

Les raisons sont multiples : une charge de travail trop importante, des difficultés de concentration sur le lieu de travail, des interruptions de tâches ne permettant de mener à terme une activité, une gestion des aléas perturbant l’atteinte des objectifs, des pressions temporelles, etc. En somme, les salariés ont recours au télétravail dit ‘’gris’’ pour parer aux contraintes organisationnelles et/ou spatiales : « Je n’arrive plus à planifier mon travail, je suis toujours dérangé et je ne sais donc jamais si je vais réussir à tenir les objectifs que je me fixe ». Pour pallier les perturbations de l’environnement de travail, les salariés apportent du travail à la maison ; une façon en quelque sorte de rattraper le retard, d’avancer sur des projets, d’atteindre les indicateurs de qualité, etc. C’est le cas de 63% des Cadres et Professions Intellectuelles Supérieures (CPIS) ayant déclaré travailler le soir ou le week-end. Ces moments ne sont donc pas pris en considération par l’entreprise. Ils peuvent pourtant induire, à terme, un manque de sommeil, un surinvestissement, des phénomènes de burn out ou d’épuisement professionnel voire de dépression.

Pourtant, il existe depuis mars 2012, une loi -l’Article 46 de la loi « Warsmann »- qui encadre le télétravail mettant fin au flou juridique sur cette question. Le Code du travail donne dorénavant une base légale au télétravail tout en laissant le champ de la négociation collective ouvert en restant généraliste. Elle s’applique à tous les salariés du secteur privé, contrairement à l’Accord National Interprofessionnelle du 19 juillet 2005  qui, à l’époque, témoignait d’une avancée importante, mais concernait uniquement les entreprises voulant négocier un accord. Aujourd'hui, il est donc possible de négocier dans l’entreprise le recours à cette nouvelle forme d’organisation du travail. D’autant plus que lorsque le télétravail est encadré (dans les organisations du travail qui s’y prêtent), l’atteinte à la vie privée semble se réduire.

Toutefois, le télétravail encadré reste encore peu développé alors que Le rapport du Centre d’Analyse Stratégique de novembre 2009 estime qu’il pourrait concerner 50% de la population active ! Les explications fournies par les employeurs concernant le retard français en matière de télétravail touchent plusieurs points comme la perte de contrôle managérial, l’affaiblissement du lien social, le délitement de l’esprit d’équipe et l’appauvrissement de la culture d’entreprise. Pourtant, les effets ont été mesurés du côté de l’entreprise et selon différentes sources, de meilleures performances ont été soulignées offrant aux salariés une meilleure concentration et une plus grande efficacité.

Quelques précautions à prendre

I - Le « télétravail gris » n’est pas du télétravail !
La première chose à faire est d’établir une distinction entre le « travail à distance » tel qu’il pourrait être institué dans certaines entreprises et le « télétravail gris » qui vient pallier les conditions de travail perturbantes. Il est donc préférable de commencer par rechercher les dysfonctionnements au sein de l’organisation afin de rétablir et de renouer avec des conditions de travail plus sereines avant même de réfléchir à la mise en place du télétravail.

II – Bien réfléchir aux enjeux de la mise en place du travail à distance
C’est dans un but d’équilibre des temps que le télétravail est le plus souvent apprécié par les salariés. Le télétravail  n'est donc  non pas une solution assurant à coup sûr un équilibre entre vie privée et vie professionnelle mais plutôt comme la perspective de mieux équilibrer les rythmes de vie. En effet, les entreprises ont tendance à s’éloigner des centres urbains traditionnels pour limiter les coûts immobiliers et les familles sont souvent amenées à chercher des logements de plus en plus loin de leur lieu de travail afin de disposer d’un espace de vie suffisant à un prix abordable. Grâce au temps gagné sur les trajets et à la réduction de la fatigue, outre la possibilité de pouvoir s’engager dans d’autres activités ou d’être davantage présent en famille, le télétravail permet aussi à certains salariés de travailler à temps plein et ainsi d’éviter le temps partiel.

III – Le télétravail, un enjeu du dialogue social
C’est primordial : la question du télétravail doit être négociée dans l’entreprise et faire l’objet d’un accord signé avec les partenaires sociaux. L’accord collectif n’est pas obligatoire mais il est fortement recommandé afin de fixer le cadre général d’intervention. En revanche, la signature d’un avenant au contrat de travail est  imposée par le code du travail. Le code du travail ne prévoit pas non plus l’information du CE et du CHSCT préalablement à la mise en place du télétravail, mais il est évident que ces instances doivent être consultées en amont : soit, pour le CHSCT dans le cadre de sa compétence générale relative aux décisions d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (art. L. 4612-8 du code du travail), soit, pour le comité d’entreprise, dans celui des conditions d’emploi ou de travail (art. L. 2323-6 du code du travail).

Les 10 règles du télétravail

Quelques grandes règles président à la mise en place et au bon fonctionnement du télétravail en entreprise ; en voici les principales qui permettent de se poser les bonnes questions quand une entreprise entrevoit une possibilité de télétravail :

1 - Etudier la faisabilité et identifier les métiers pouvant être intégrés à la démarche : c’est l’occasion de se poser toutes les questions relatives à l’organisation du travail et aux processus de collaboration entre les salariés. Pratiquement, il convient de recenser les outils nécessaires devant être fournis par l’entreprise et intégré au sein de l’avenant (téléphone, ordinateur, imprimante, chaise de bureau, etc.).

2 – Privilégier une négociation réunissant les acteurs concernés (partenaires sociaux, RH, manager, etc.) : c’est ici qu’il est important de prendre appui sur les instances représentatives du personnel.

3 - Un avenant au contrat de travail doit être rédigé : c’est la loi !

4 - Pas de « volontaires désignés d’office » : le volontariat est de rigueur et doit être stipulé par l’avenant au contrat de travail.

5 - D’abord expérimenter : une période de réversibilité permettra à chacun d’organiser son quotidien et de revenir à une organisation plus classique selon la convenance. Là encore, l’avenant doit le préciser.

6 - Des managers partie-prenantes de la démarche : manager à distance ne s’invente pas ; la formation des managers de proximité doit être prévue.

7 - Ne pas couper le salarié du reste de l’entreprise : les managers doivent être vigilants à l’homogénéisation des jours de télétravail entre eux-mêmes et les télétravailleurs de leur équipe afin d’éviter trop de jours sans contact direct. En France la moyenne est aujourd’hui de l’ordre de 2 jours par semaine en télétravail de façon à ne pas couper le salarié de la vie de l’entreprise, de sa culture, du collectif de travail et d’éviter également l’isolement du télétravailleur.

8 - A la maison, disposer d’un espace dédié : il est important que le salarié dispose d’un espace dédié au travail au sein de son domicile de façon à ne pas, symboliquement au moins, envahir l’espace familial par des activités professionnelles. En effet, ‘’Quand je ferme la porte de mon bureau, je n’y reviens plus jusqu’au lendemain’’ : le télétravail ne doit pas déséquilibrer d’un côté (vie perso) ce qu’on cherche à équilibrer de l’autre (vie pro).

9 - Bien identifier les heures destinées au travail : pas de débordement ! C’est lorsque le télétravail n’est pas encadré qu’il peut accentuer les risques notamment en matière de protection de la vie privée au lieu d’en favoriser l’équilibre. L’absence de frein concret, comme l’heure de fermeture de l’entreprise, peut ainsi conduire à rendre disponible en permanence le télétravailleur. On tombe alors dans les risques pour la santé (surmenage, stress, voire harcèlement) et des infractions à l’esprit du code du travail. L’avenant au contrat de travail doit prévoir la garantie de mise en œuvre des moyens permettant aux salariés de jouir de son droit au repos et à la déconnexion, les modalités de contrôle du temps de travail, la liste des équipements mis à disposition des salariés, etc.

10 – Le télétravail, ça s’apprend ! Le télétravailleur doit s’imposer un rythme de travail et le respecter. En gagnant en autonomie, il devient aussi son propre prescripteur ce qui réclame une grande discipline. La gestion du temps de travail revient au salarié qui doit se poser les bonnes questions : ai-je l’autonomie suffisante pour remplir les tâches qui me sont demandées ? Suis-je suffisamment organisé et rigoureux ? Suis-je capable d’autodiscipline ? Suis-je capable de gérer mon emploi du temps pour éviter les excès de travail ? Arriverai-je à me motiver seul dans mon travail ? Mon organisation personnelle et familiale me permet-elle de rester concentré ? etc …

Mélanie Bouéroux, psychologue du travail

Références pratiques pour aller plus loin :
1- ANI :  l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005
2- Observatoire de la parentalité en entreprise :  Le télétravail pour mon entreprise, aide à la réflexion et à l’action

3- Le développement du télétravail dans la société :  Le rapport du Centre d’Analyse Stratégique de novembre 2009

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